Si vous maîtrisez l'anglais américain...

Le texte original : Hallelujah, Allahu Akbar and Merry Christmas.

Les essais de Joe Bageant sont joliment mis au format PDF par le site Coldtype.

Si vous avez manqué le début...

La première lettre de Jennifer ouvre le texte : Le grand lavage de cerveau des médias américains.

Joe bageant est né en 1946 à Winchester en Virginie. Vétéran du Vietnam et du mouvement hippie, il a débuté sa carrière de journaliste en chroniquant la contre-culture des années 70. Ses essais politiques publiés sur l'internet anglophone lui ont conquis un vaste public •

Alléluia, Allah akbar et joyeux Noël

Par une lectrice de Joe Bageant
25 décembre 2008

Cher Joe, je vais être directe, j'écris pour jubiler un peu. Au début de juillet 2007, je vous ai écrit pour me plaindre de la diffamation massive par les médias de deux de mes anciens étudiants, un jeune couple marié de Jordaniens qui ont été arrêtés en connexion avec l'attentat bâclé de l'aéroport de Glasgow1 l'été dernier. Vous avez gentiment reproduit ma lettre et modéré certaines des réactions à celle-ci. Comme les médias ne présentaient aucune preuve contre eux, j'étais très en colère de voir leur nom (Mohammed Asha et Marwa Da'ana) et leur photographie inclus dans une sorte de galerie de criminels où que je regardais cette semaine là.

1. L'attentat à la voiture piégée de l'aéroport de Glasgow le 30 juin 2007 n'a fait qu'un mort, l'un de ses deux organisateurs.

Bien que je les ai connus un peu, adolescents, quand j'enseignais à leur école pour étudiants doués à Amman en Jordanie, mon jugement n'était pas basé sur l'affection mais sur le total manque de preuve présentée et sur les trucs psychologiques utilisés dans les médias pour faire paraître les accusés déjà coupables. Par exemple, les images des attaques terroristes précédentes étaient fréquemment montrées dans les reportages sur cette affaire, bien que ces attaques beaucoup plus meurtrières aient été complètement sans rapport.

Marwa a été libérée très rapidement et a rammené son fils en Jordanie.

2. L'Irakien en question est Bilal Abdullah, le terroriste survivant. Parmi les cinq suspects arrêtés outre Mohammed Asha, un seul a été poursuivi (pour rétention d'information).

3. Dans le texte : enhanced interrogation techniques, un euphémisme utilisé par l'administration américaine pour édulcorer sa pratique de la torture.

J'ai vu suspect après suspect dans l'affaire être libérés, mais Mohammed et un Irakien sont passés en jugement2. J'ai senti à ce moment qu'il n'y avait pas d'espoir, bien que j'étais toujours certaine de son innocence. Un homme qui sait que sa femme est en détention et son garçon chez les services sociaux peut être conduit à dire toute sorte de choses même sans techniques d'interrogatoire avancées3. Mais pas cette fois. Cette semaine j'ai appris qu'il avait été acquitté et disculpé de toutes les accusations. Alors alléluia, Allah akbar et joyeux Noël.

Mais Joe, à l'époque pas un seul Américain que je connaissais accordait qu'il pouvait être innocent. Il y a une telle confiance dans l'autorité que beaucoup croient que des gens décents et normaux ne peuvent être embringués et que si aucune preuve n'est donnée, et bien, la police doit avoir ses raisons judicieuses super-secrètes. Ou peut-être pensent-ils qu'un Arabe ne peut être innocent si quelqu'un dit qu'il ne l'est pas. La seule vue de la barbe de Mohammed était probablement suffisante pour la plupart des gens.

Les réactions des Arabes que je connaissais, à la fois ici à Amman, où je vis maintenant, et chez moi à Los Angeles, étaient très déprimantes. Personne n'en était trop alarmé, aussi j'ai demandé : Vous pensez vraiment qu'il y a pris part ? La réponse était encore et encore : non, c'est juste que les gouvernements attrapent parfois des gens et ruinent leur vie, et personne ne peut rien y faire. C'est un peu comme un dragon dans un conte de fée, venant périodiquement déjeuner d'un villageois. Tous les autres remercient seulement Dieu que ce ne soit pas eux.

Je suis si heureuse de l'acquittement qu'une partie de moi veut dire quelque chose de bien du système judiciaire britannique.

4. Le National Health Service est le système de santé public britannique, regroupant médecine hospitalière, médecine générale et spécialités.

Mais vraiment, maintenant, calculons ce que ce jeune homme a perdu. Il était neurochirugien stagiaire pour le Service national de la santé4 britannique, plutôt impressionnant pour un homme de vingt-six ou vingt-sept ans. En tant que fils d'une famille aux moyens modestes et sans relation dans un pays où les relations veulent dire beaucoup, un membre de la majorité palestinienne dans un endroit où une part disproportionnée des bonnes choses, comme les places en école de médecine et la formation à l'étranger, sont réservées aux Jordaniens, il a dû être à la fois brillant et extrêmement travailleur pour parvenir au statut qu'il avait. Maintenant sa réputation a été ruinée, il n'a pas de travail et le gouvernement britannique essaye de l'expulser parce qu'il n'a pu garder son visa de travail en cours pendant qu'il était enfermé pour de fausses accusations. Il se bat et retrouvera peut-être tout. Espérons-le. Mais je ne peux pas vraiment appeler cela la justice.

Je veux terminer en copiant-collant un bout d'un article sur Mohammed du site du journal britannique The Guardian, posté le jour de son acquittement :

Au moment de son arrestation le 30 juin de l'année dernière, Asha travaillait pour l'hôpital universitaire du North Staffordshire, à Stoke-on-trent.

Il se préparait à être transféré à l'hôpital Walsgrave, à Coventry, pour continuer sa formation en neurochirurgie.

La cour a entendu le témoignage d'une série de collègues qui ont rendu hommage à ses connaissances et à son habileté extraordinaire.

Un collègue a dit qu'il ne serait pas surpris si Asha devenait le meilleur neurologiste de Grande-Bretagne.

Le neurochirurgien Rupert Price a dit qu'il avait donné à Asha une lettre de référence éblouissante, la meilleure qu'il ait jamais écrite.

On ne sait jamais ce qu'il y a derrière la barbe, n'est-ce pas, Joe ?

En espérant qu'aucun de vos lecteurs ne sentira jamais le souffle chaud du dragon s'approcher trop près.

Jennifer, en Jordanie et à Los Angeles