Si vous maîtrisez l'anglais américain...

Le texte original : Contemplations from the Cheap Beer Zone.

Les essais de Joe Bageant sont joliment mis au format PDF par le site Coldtype.

Joe bageant est né en 1946 à Winchester en Virginie. Vétéran du Vietnam et du mouvement hippie, il a débuté sa carrière de journaliste en chroniquant la contre-culture des années 70. Ses essais politiques publiés sur l'internet anglophone lui ont conquis un vaste public •

Méditations depuis la zone de la bière au rabais

Deux piliers de la classe suante déconstruisent la culture populaire, Jon Stewart1 en opium des masses libérales2 et la classique cinq poissons du lac Tohopekaliga

Par Joe Bageant
4 juillet 2006

1. Jonathan Stuart Leibowitz est un comédien et un animateur de télévision.

2. Il est indispensable lorsqu'on lit des textes politiques américains de garder à l'esprit que le mot liberals y désigne, à l'inverse de l'usage français actuel, des gens de gauche. En revanche, les gens que nous appelons libéraux ou ultra-libéraux sont en Amérique des neo-conservatives (parfois abrégé en neo-cons). L'usage américain a été transposé ici car il rend une meilleure justice à l'étymologie. De plus, l'appellation neo-cons a aux oreilles françaises des résonances si flatteuses que nous pourrions bien finir par l'adopter.

3. Richard Bruce Cheney est le vice-président de George Bush. En février 2006 il a tiré accidentellement sur un camarade de chasse en visant une compagnie de cailles.

4. Si en France l'expression sécurité sociale se confond avec la Sécurité sociale au point d'être circonscrite aux questions d'assurance santé, elle a conservé dans le monde anglophone son sens général, c'est à dire qu'en plus de l'assurance santé elle englobe les questions d'assurance vieillesse et d'assurance emploi. En ce qui concerne la Social Security Administration américaine, c'est un organisme fédéral dont l'objet est le versement des pensions de retraite, de veuvage et de handicap. Elle participe aux programmes d'assurance santé en tant qu'interface avec les assurés, bien que ces programmes ne ressortent pas de sa responsabilité.

5. La Budweiser est une bière aussi populaire aux États-Unis que peu estimée en Europe.

6. La chaîne Entertainment and Sports Programming Network est spécialisée dans les retransmissions sportives.

7. Citgo Petroleum Corporation est une société pétrolière américaine appartenant à la société publique des pétroles vénézuéliens, Petróleos de Venezuela.

8. Les États rouges sont les États votant majoritairement pour le Parti Républicain, les États bleus sont les États votant majoritairement pour le Parti Démocrate.

9. Dans le texte : Christian Broadcasting Network.

10. La Fox Broadcasting Company est un réseau de télévision appartenant à Rupert Murdoch. La chaîne d'information Fox News, dont la devise est d'être juste et équilibrée, est critiquée pour son orientation conservatrice et sa distortion des paroles et des faits rapportés.

11. Le Cialis (nom chimique : tadalafil) est un médicament pour l'érection réputé faire effet deux à trois jours. C'est un concurrent du Viagra (sildénafil) et du Levitra (vardénafil).

12. Dans le texte : If I could afford it I'd buy a case of that Cialis stuff and smuggle a boner downtown on Friday nights.

13. Dans le texte : The Daily Show.

14. Sponge Bob Square Pants est un dessin-animé dont le héros est une éponge.

15. La chaîne de télévision American Broadcasting Company est la seconde en audience aux États-Unis.

16. L'iconoscope, inventé par Vladimir Kosma Zworykin en 1923, est l'ancêtre de la caméra vidéo.

17. Mary Pickford, comédienne puis productrice, fût au début du XXe siècle la première vedette de cinéma, autant en terme de célébrité et d'image que de revenus.

18. Martin Heidegger fût un célèbre philosophe allemand du XXe siècle.

19. Thomas Jacob Hilfiger est le fondateur d'une marque de prêt-à-porter à son nom.

20. An inconvenient truth, réalisé par Davis Guggenheim, est un film documentaire sur le réchauffement climatique.

21. Albert Arnold Gore junior était le candidat démocrate lors des élections présidentielles de 2000. Il a été déclaré perdant après que la Court suprême a interrompu le recomptage des voix dans l'État de Floride, gouverné par le frère de George Bush.

22. Dennis John Kucinich est un démocrate atypique, fort peu soutenu lors des primaires de 2004. Ses propositions incluent l'assurance santé universelle, la préservation et l'amélioration du système de retraite public, l'entrée des États-Unis dans le protocole de Kyōto, l'orientation vers des énergies renouvelables et non-polluantes, le retrait des troupes américaines en Irak et la création d'un ministère de la Paix.

23. Hugo Chávez est le président socialiste du Venezuela.

24. Lors d'un débat télévisée de la campagne présidentielle de 2000, George Bush avait qualifié le chiffrage des propositions d'Al Gore de confus (fuzzy math).

25. Cheetos est une marque de biscuits de maïs parfumés au fromage.

Maintenant prends Dick Cheney3, un sacré bon Dieu d'ivrogne si jamais j'en ai vu un. Autrement, comment un homme confondrait une toute petite caille avec un juge du Texas ? Mais Cheney ferait bien de faire attention, parce que quand tu verses de la bibine sur un pacemaker, tu cherches les ennuis, peu importe combien t'as payé le pacemaker ou la bibine.
— Virgil Jenkins, conducteur de bulldozer retraité

On pourrait dire que mon ami Virgil Jenkins est un érudit et un observateur perspicace de la culture américaine. On pourrait dire qu'il a poli sa compréhension de l'Amérique par des décennies de lecture sérieuse et de méditation. Mais ce serait un sacré mensonge. La plupart du temps, Virgil fait exactement ce que je fais : boire, causer et regarder la télévision. Pourtant, la vérité humiliante de la situation est celle-ci : il a plus de sens commun que quatre-vingt-dix neuf pour cent des gens qui font marcher ce pays. Il semble que nous ayons obtenu des résultats différents d'un même régime.

Virgil vit seul dans un taudis en location à huit pâtés de maisons de chez moi, bien installé dans un deux-pièces avec sa télévision et un magot de haricots secs, de macaronis au fromage instantanés Kraft et sa caisse mensuelle de bière légère Keystone (quand on vit sur un chèque de la Sécurité Sociale4 de sept cent vingt dollars par mois et qu'on paye cinq cent dollars de loyer, même la Budweiser5 est un truc haut de gamme). Virgil n'a pas de téléphone et ne possède pas de voiture. Il ne se plaint jamais pourtant. Il dit : J'ai connu pire. Et il a connu pire. On m'a dit que Virgil portait une généreuse volée de shrapnel nord-coréen dans tout un côté de la jambe droite et du cul. Avec un peu de chance je ne le verrai jamais moi-même. À la fleur de l'âge Virgil était conducteur d'engin. Bon Dieu, il y a pas beaucoup de terre qu'a été creusée dans ce pays que j'ai pas aidé à creuser. Apparemment il n'est pas sorti voir l'explosion de baisodromes à quatre cent mille dollars et de centres commerciaux qui entourent Winchester ces temps-ci. Ce qui est compréhensible, car depuis que sa femme Myrna est morte en 1990 il ne quitte plus le vieux quartier.

En tout cas, quand votre boisson est limitée à de la Keystone légère, votre porte est toujours ouverte à des types comme moi qui déboulent avec une bouteille de bon whisky. La seule façon d'améliorer une telle situation est de sortir des gobelets en plastique, d'allumer ESPN6 sur le championnat de pêche Citgo7 et de parler de politique et de femmes pendant les moments de lenteur du spectacle. Et nous voilà à notre troisième gobelet, regardant le tournoi du lac Tohopekaliga en Floride centrale — celui où Scott Martin a gagné avec une prise de sept kilos trois cent quarante deux grammes dans la limite de cinq poissons.

Ce que j'aime chez Virgil est que, bien qu'il regarde la télévision la moitié de ses heures éveillées, il semble avoir échappé aux effets des médias des États rouges8 ici, en Virginie, tels que le Réseau de télévision chrétien9 (Si je veux savoir ce que Dieu pense, je lui demanderai moi-même.). Ou les tambours de la guerre en Irak de Fox Network10 (On se demande où sont les cercueils et les estropiés. Il y a quelque chose qui pue là.). Ou les effets de la publicité (Si je pouvais me la payer j'achèterais une caisse de ce Cialis11 et j'emmènerais le petit au cirque les vendredis soir12. Et si ça dure plus de quatre heures c'est bien assez pour moi.). Bon d'accord, il n'a donc pas complètement échappé aux effets formateurs des médias. Quant au reste d'entre nous, à l'exception de ceux qui se lèvent à quatre heures du matin pour les vêpres dans les monastères, la plupart des Américains de moins de soixante-dix ans vivent une vie presque entièrement formée par les médias. Les deux dernières générations d'Américains tirent leurs connaissances culturelles effectives et leur identité propre des médias, bien qu'ils jureront du contraire et en effet n'y croient pas eux-mêmes, si imprégnée est leur existence. Nous réduisons toutes choses au vedettariat, aux biens de consommations, à la célébrité et au divertissement.

Particulièrement la politique. Par exemple, les téléspectateurs libéraux voient Jon Stewart du Spectacle quotidien13 comme étant politique ou en rapport avec la politique de quelque façon. Bien sûr, c'est du divertissement. Point. C'est une comédie, créée pour le profit par une multinationale et conçue pour correspondre au goût et à l'image de soi des gens qui s'identifient comme politiquement progressistes. Stewart est un symbole identitaire branché pour les libéraux de la classe moyenne blanche. Ce qui revient à être, comme le dit Virgil, un gros malin. Pourtant Stewart est une source politique fondamentale pour des millions de gens, même si son émission a à peu près autant à voir avec une réalité informative et palpable que Bob l'éponge14 ou les informations d'ABC15 (qui m'ont envoyé par courriel ce matin la nouvelle suivante : Un agresseur d'enfant californien castré demande sa liberté.). Si vous êtes un spectateur de Stewart qui pense ne pas le prendre inconditionnellement comme source primaire d'information, souvenez-vous de ceci : Le Spectacle quotidien vous est injecté directement dans le tronc cérébral — comme n'importe quel neuropsychologue ou scientifique cogniticien peut vous le dire, vous n'avez pas le choix en la matière.

Les médias ne sont pas la politique, bien sûr — bien que ce soit le plus important outil de la politique — pas plus que la culture populaire n'est de la culture. La culture populaire est simplement une distraction pour une nation qui peut se permettre de manufacturer, distribuer et consommer de si coûteuses illusions juste pour se distraire. Quoi qu'il en soit, après trois générations d'immersion dans de tels médias, particulièrement la télévision, nous découvrons que l'iconoscope16 de Vladimir Kosma Zworykin forme maintenant une conscience nationale qui est presque entièrement tirée de sa sortie (l'entrée de notre conscience). Une conscience qui tient ses signaux esthétiques et culturels d'illusions numérisées basées sur de précédentes illusions copiées au carbone sur de précédentes illusions — les médias, les films, la télévision, la musique populaire — les métamorphoses de Mary Pickford17 clignotent à travers le temps et l'éther, réincarnée en Marilyn Monroe, Mary Tyler Moore, Anne Southern, Barbara Eden, puis à nouveau en Jennifer Anniston. À mon avis, on aurait pu s'arrêter à Barbara Eden.

Néanmoins, la culture populaire (consommatrice), les trucs comme les tasses McDonald's, Batman et la philosophie d'habillement du consommateur sont une grande affaire, importante et vachement légitime, nous sommes tous censés être d'accord, parce qu'on étudie une telle culture populaire dans les universités depuis trente cinq ans maintenant. Dans le grand combat consumériste pour la conscience de l'Amérique, Heidegger18 contre Hilfiger19 en direct chez vous depuis le magasin Virgin de Times Square, devinez qui est k.o. au premier round ?

De même nous lisons la liste des meilleures ventes du New York Times comme si c'était réellement important, bien que nous ne puissions nommer un seul livre autre que la Bible et le Coran qui aient changé l'Amérique contemporaine de n'importe quelle manière significative et durable. Dans l'Amérique réelle les livres sont finis. Ils le sont depuis longtemps. Les films aussi, pour la plupart. Nous écoutons et nous lisons des critiques de film, puis nous parlons des films comme s'ils étaient importants ou nécessaires. Ils ne changent rien, qu'ils soient la Passion du Christ de Mel Gibson, un énorme chahut médiatique bidon pour agiter le pot à fric, ou Une vérité qui dérange20 d'Al Gore21, qui va gagner une pile de récompenses d'auto-congratulation de l'industrie du cinéma, puis fondre comme de la barbe-à-papa dans la conscience américaine avant l'année prochaine. Et c'est un film qui délivre la plus importante information sur la planète, encore qu'elle soit plus diluée qu'un verre à cinquante centimes dans un rade à clodos. Mais en ce qui concerne le changement, ça n'a même pas changé Al Gore. Quelqu'un lui a-t-il déjà demandé pourquoi il n'abandonne pas sa voiture, ou son air conditionné, particulièrement après avoir fait Une vérité qui dérange ?

Ne vous y trompez pas. Tout comme vous, je voterais pour Al Gore sans hésiter. Étant donné surtout que ni Dennis Kucinich22, ni Hugo Chávez23 n'auront jamais l'investiture. Malgré l'illusion d'Al que la politique nationale puisse jamais faire plus que peut-être ralentir la main-mise des sociétés sur la civilisation et la confiscation des ressources mondiales en cours, je voterais pour le nouveau, plus confus24 et plus aimable Al Gore. Les Américains ne sont pas autorisés à voter la politique nationale, le ciel nous en garde ! Autrement un sacré nombre d'entre nous voteraient pour une politique qui assortit les battes de base-ball Louisville Slugger Pro Stock avec des protège-rotules républicains sélectionnés. Mais au lieu de cela, nous votons pour des personnalités et des questions médiatiques frauduleuses comme le contrôle des armes à feu (les deux bords colportent des balivernes médiatiques là-dessus) et des menaces comme l'union légale de Brian et Geoff qui détruit le bon mariage chrétien — cela bien que l'ensemble de la masse biblique semble tout à fait capable de le faire elle-même — leur taux de divorce n'est pas plus bas que nous, onanistes libéraux tueurs de fœtus. Et quand il s'agit d'arrêter l'engloutissement des maigres ressources restantes de la planète, seule une révolution globale ou un effondrement environnemental peut faire sortir les visages américains du sac de Cheetos25, encore moins désarçonner les connards de Exxon Mobil, Wal-Mart, Starbucks, Microsoft, Citigroup, McDonald's, Time Inc., Monsanto, de la selle qu'ils possèdent et occupent indépendamment de qui est à la Maison Blanche. Utiliser les médias pour combattre ces types c'est comme menacer un violeur avec un pistolet à eau. Bon Dieu, ils possèdent aussi le pistolet à eau. Les médias sont trop omniprésents, trop de pacotille et trop malléables pour avoir un effet réel sur les Américains autre que la distraction et l'évasion, et bien sûr pour les précipiter dans la direction générale du centre commercial, du stade et du prochain champ de bataille. Nous continuerons sans aucun doute cependant, à nager en rond comme des poissons missionnaires dressés, dans la soupe de la culture populaire comme de la politique et des informations bien encadrés. Aucun d'entre nous n'a l'équipement neurologique pour fonctionner sans les paillettes et le fumier vital, encore moins pour voir hors de l'aquarium ou exprimer une identité personnelle unique. Ça s'est atrophié il y a longtemps. Cela pourrait être une bonne idée de revenir à l'âge amphibien et recommencer. Mais en ce cas l'écosystème semble faire cela pour nous.

26. Dans le texte : I'm about Macintosh. De même, dans le paragraphe suivant, être tel produit correspond dans l'original à to be about tel produit.

27. C'est à dire un bar avec des prétentions en matière de décoration.

28. Avril Ramona Lavigne est une chanteuse canadienne.

29. Respectivement : un chanteur de soul mort en 1967, un obscure groupe de rock anglais dissout en 1970, un président démocrate assassiné en 1963, un poète mort en 1997, une chanteuse de blues morte en 1963 (d'une surdose de pilules de régime), et un vieux chanteur de country encore du monde au moment de l'écriture de cette note.

30. Thomas Ruggles Pynchon junior est un écrivain réputé pour la complexité de ses œuvres et son refus de tout contact avec la presse.

31. Alexis Henri Charles de Clérel, vicomte de Tocqueville fût un politicien et un historien français du XIXe siècle. Il est devenu célèbre par son livre De la démocratie en Amérique.

32. Da Vinci Code de Dan Brown est un roman dont le succés international rend sans doute cette note superflue pour encore quelques années.

33. Oprah Winfrey est l'animatrice de l'émission de télévision éponyme, une personnalité influente des médias et la première milliardaire afro-américaine.

34. Home Box Office est une chaîne de télévision du câble qui diffuse principalement des films.

35. Wal-Mart est la plus grande entreprise de distribution du monde, et le plus gros employeur privé aux États-Unis.

36. Circuit City est le troisième plus gros détaillant d'objets électroniques aux États-Unis (le premier est Wal-Mart).

37. Celebrity Poker est un jeu de poker télévisé où chaque célébrité invitée joue en faveur d'une organisation caritative de son choix.

38. Hunter Stockton Thompson était une forte personnalité et l'inventeur d'un style de journalisme subjectif incluant des éléments de fiction.

Je suis Macintosh26 (mais surtout je suis presque fichu)

L'autre jour dans un bar à fougère27 local j'ai entendu une fille dans la trentaine dire à un jeune gars habillé en noir — qui à l'évidence avait le nez ouvert pour elle, comme nous les beaufs paléolithiques disons — Je suis Macintosh et Avril Lavigne28. Moi aussi a-t-il répondu (avec un peu trop d'enthousiasme pour décrocher le gros lot, j'ai pensé). Puis le rituel de la cour a continué le long d'un certain sentier de la culture populaire que je ne pouvais suivre, incluant du trip-hop et un film appelé Même Hitler avait une copine, pour la vision duquel je paierais du bon papier monnaie américain, juste pour pouvoir être quelque chose avec un pareil titre à la dynamite. Je suppose que nous sommes tous des trucs ces temps-ci. Même à cinquante neuf ans, je suis (toujours) Otis Redding, les Beatles et John Kennedy, Allen Ginsberg et Dinah Washington, avec un peu de David Allen Coe29 là dedans. Ce qui prouve que je ne suis pas à la mode et que mon je suis a foiré. Mais on ne peut pas échapper à la vérité. Malgré toutes les salades sur l'individualisme américain, nous sommes marqués par la culture populaire particulière de notre temps. Formés par n'importe quelles images ou produits culturels qui se trouvent être les plus profitables pour les médias à projeter dans nos esprits à ce moment. J'ai eu autrefois une coupe de cheveux à la Beatles (tout simplement affreuse). Plus tard, parce que c'était censé être dans le vent et littéraire, j'ai tourné en rond dans les pages de Vente à la criée du lot 49 de Pynchon30 — principalement en cherchant la sortie. Aujourd'hui je me retrouve à laisser tomber mon PC et acheter un Mac. Bientôt je rejoindrai le culte Mac, ce qui fera, je suppose, que je serai Mac. Aucun d'entre nous ne sort vivant de cette identité de consommateur.

Nous avons tous assemblé notre identité à partir du spectacle médiatique préemballé et hautement travaillé pour le consommateur qui constitue maintenant l'aventure américaine, des ensembles complémentaires et assortis de personnalités à partir d'aventures et de produits synthétiques, tout cela acheté au même magasin d'usine globalement franchisé, tout cela dans le contexte de notre propre tribu particulière du culte de la consommation et de nos denrées fétiches. C'est insipide, c'est absurde. Mais c'est tout ce que nous avons eu pour fonctionner depuis la naissance, des dérivés de dérivés de la culture de consommation. C'est un long chemin pour retourner aux classiques grecques ou même à Tocqueville31 depuis Da Vinci Code32 et Oprah33. Et un chemin encore plus long depuis la vie d'avant l'air conditionné et depuis la télévision en noir et blanc, si vous voyez ce que je veux dire. Notre éloignement de choses comme un après-midi entier de réflexion silencieuse, ou même de l'inconfort le plus commun ou d'amusements plus simples n'a pas été chronologique. Grâce à la technologie, il a été discontinu et exponentiel, se développant dans toutes les directions simultanément. Aussi asservissant que ce soit, personne ne veut en sortir. Pas vraiment. C'est comme le sexe. C'est bon aussi longtemps qu'on y réfléchit pas trop. En fait, peu d'entre nous peuvent concevoir un extérieur. Et le minuscule nombre de gens qui peuvent imaginer qu'il y a quelque chose au delà de la société du spectacle trouvent que c'est une chose effrayante. Ils s'inquiètent de vivre peut-être sans HBO34 tandis que la moitié du monde se torche le cul avec les doigts.

Ah, mais c'est un âge merveilleux nous dit-on. Un âge de miraculeuses avancées scientifiques, alors même qu'un État théocratique émerge pour réfuter Darwin. C'est un âge de miracles médicaux, alors même que des millions de gens meurent de maladies depuis longtemps vaincues — un âge de chiens et de tomates d'ingénierie génétique et de sucreries électroniques pour l'esprit et toutes les sortes imaginables de godemichets, là, dans les rayons de Wal-Mart35 et de Circuit City36. Dieu tout puissant, mon enfant ! Nous avons Le Poker des célébrités37, le Viagra, les strings comestibles, les iPods et un homme à la Maison Blanche choisi par Dieu et qui mange des pizzas deux soirs par semaines tout comme le reste d'entre nous. Maintenant, si ça ce n'est pas de la plénitude et de la démocratie, qu'est-ce qui l'est bon Dieu ? Quelle génération nous sommes ! Une génération de porcs nous appelait Hunter Thompson38 et je tends à être d'accord. Virgil toutefois, étant un homme plus charitable, dit : Et bieeen, j'dirais pas des porcs. Le porc ça fouille dur toute la journée. C'est plutôt comme si les gens étaient devenus des gerbilles. Merde, la plupart des gens de nos jours n'ont jamais fait une lichette de vrai travail de leur vie. Ça se voit en les regardant. Ensuite le bourbon fait effet.

39. Barbara Ehrenreich est une essayiste et une journaliste. Dans un précédent ouvrage elle avait décrit la situation des travailleurs pauvres après en avoir fait elle-même l'expérience. Dans le livre Bait and switch : the (futile) pursuit of the American dream elle observe de l'intérieur le milieu des cadres au chômage, faute d'avoir pu pénétrer le milieu des cadres avec un emploi.

40. Martha Stewart, anciennement mannequin et courtier en bourse, est une personnalité de la télévision et de l'édition spécialisée dans les thèmes domestiques (cuisine, jardinage, ameublement, etc.).

41. Rush Hudson Limbaugh III est un satiriste conservateur et un chroniqueur radiophonique très écouté.

42. Deepak Chopra est un médecin, originaire d'Inde, qui a publié une grande quantité de livres plus ou moins ésotériques sur la médecine traditionnelle indienne.

43. Allan Huber Selig junior est l'actuel Commissioner of Baseball, c'est à dire le représentant de l'ensemble des propriétaires d'équipes de baseball.

44. C'est un pastiche du titre du film Le Secret de Brokeback Mountain (le titre anglophone est : Brokeback Mountain), qui met en scène la relation homosexuelle de deux cow-boys. Buttfuck est un terme argotique qui désigne la sodomie.

Virgil se méfie des gens qui ne font pas un travail observable, réel, pour vivre. Je suis avec Virgil sur ce point. En même temps, je ne fais pas confiance aux gens qui travaillent mais suivent les ordres de l'empire sans jamais les questionner. Toutes ces petites merdes qui s'illusionnent et gardent joyeusement huilés et administrés les rouages du capitalisme américain, les gaveurs qui tiennent à jour les feuilles de calcul et bourrent sans relâche la ligne du parti de l'empire dans le gosier du monde. Ceux qui gardent l'empire opérationnel et mortel depuis leur alcôve austère ou leur bureau chic — les avocats, la plupart des professeurs d'université, les conseillers fiscaux, les courtiers en bourse, les rédacteurs de magazines, de journaux, de livres, les journalistes, les mercaticiens et tout les autres pleurnichards en col blanc sur lesquels Barbara Ehrenreich a récemment écrit dans Appâter et substituer : la poursuite (futile) du rêve américain39. Après tout, ces gens de la classe moyenne ont acquiescé, contribué et aidé à construire ce système qui les a baisés. Aussi longtemps qu'ils ont tiré un chèque de paye, ils n'ont jamais posé de questions. Aussi longtemps qu'ils ont eu assez de confort pour pouvoir mépriser sans le dire la classe la plus laborieuse — ce qui signifie la classe des plombiers à raie apparente, des camionneurs, des vidangeurs minute, des serveurs, des emballeurs de poulet — ils ont considéré que la vue autour d'eux était parfaitement acceptable.

Cela n'a rien de nouveau. Nous qui sommes nés dans la classe suante nous nous attendons à ce que certaines personnes nous méprisent totalement, des gens comme Martha Stewart40, Rush Linbaugh41, Deepak Chopra42 et Bud Selig43. Et bien sûr des gens comme George Bush et Dick Cheney sont naturellement doués pour cela. Ils méprisent la race humaine toute entière. Ça m'arrive aussi certains jours. Mais ce n'est pas le genre de dédain méchant qui me ferait vouloir lâcher un berger allemand furieux démuselé sur un Irakien à poil. Mais qu'est-ce que j'en sais ? Comme l'a dit notoirement un ancien maître chien militaire le mois dernier : J'ai autant de compassion que n'importe qui, mais c'est très excitant de voir un adulte se pisser dessus.

Il semble qu'il y ait certainement assez de méchanceté pour tous ces temps-ci. Du genre insensible, punitive, pleine de ressentiment qui fait que des travailleurs ordinaires veulent bombarder l'Iran, et qu'un nombre surprenant veulent bombarder la France, d'après un sondage, et les indépendants et semi-indépendants, à la fois libéraux et conservateurs, pissent sur les genoux des travailleurs qui installent leurs dessus de meuble en marbre et permutent leurs roues. (Non que cela fasse quelque chose aux prolos ; la loterie va les rendre riche de toute façon. N'est-ce pas ?) Il est difficile de nier que les Américains sont méchants à la fois les uns envers les autres et envers le monde. Pourtant, nous ne le ressentons pas du tout comme de la méchanceté, ce qui le prouve encore plus. Personnellement, je pense que l'humiliation est impliquée là-dedans, quelque part. Les gens peuvent supporter toute sorte de coups durs, mais ils n'oublient jamais l'humiliation. C'est le plus probablement l'humiliation intérieure d'un travail dénué de sens et la futilité de l'existence à l'état de consommateur qui génère un tel manque de compassion. Non que la compassion ait de grandes chances de vous traverser l'esprit quand votre implication avec d'autres humains consiste en des discussions de taux d'emprunt autour de la fontaine à eau et que vos notions des intimes vérités humaines viennent du film Le Secret de Buttfuck Mountain44, ou quand votre idée préemballée des mystères supérieurs est le Da Vinci Code. Je ne peux pas vous dire le nombre de gens qui m'ont dit que c'était le livre le plus profond qu'ils avaient jamais lu. Ça fait vraiment réfléchir, a dit mon voisin à l'autre bout de la rue, l'un des principaux démocrate et propriétaire d'une société ici à Winchester, en Virginie.

45. The Man Show est une émission d'humour masculin...

46. C'est à dire : dont les parties ne sont compréhensibles qu'en les reliant au tout.

47. La zone verte est le quartier de Bagdad où sont établis le commandement américain en Irak et le gouvernement provisoire Irakien.

Verse moi un jus de carotte et met Le Spectacle de l'homme45

Pendant ce temps, nous buvons des jus de fruits dans des conteneurs en plastique, et nous achetons des voitures hybrides avec des batteries terriblement polluantes si nous en avons les moyens. Nous nous préoccupons avec autosatisfaction des manies actuelles du gouvernement, en ignorant commodément qu'une aussi grotesque folie se traduit pas le sang de familles entières éclaboussant les murs des foyers irakiens au bout de ce même armement américain qui aide à faire avancer l'économie, met le cabernet sur nos tables ou les tickets de cinéma dans nos poches. Ce sont les mêmes, désespérément interdépendants, parce que l'empire est aussi holistique46 que toute autre chose sur la planète. Mais une fois que notre folie a été commercialement emballée en comédie, en plaisanteries sur des choses telles que la zone verte47, cela nous met à l'aise et rend Jon Stewart plus riche. Les trophées de télévision sont la mesure appropriée de son succès, pas le changement. De plus, pour les même raisons, Virgil dit que nous regardons tous la télévision :

Les gens ne veulent pas penser à des trucs compliqués. Ils veulent voir des gros nichons et un règlement de compte avec des truands de New York. Ils veulent voir un petit gars gagner un million de dollars.

Il a probablement raison. Il est peut-être vrai que les Américains — et pas seulement les Américains mal élevés comme moi et Virgil — ne regarderaient pas une télévision honnête et intelligente si elle était disponible. Je regarderais Le Spectacle de l'homme tous les samedis et les dimanches si ma femme me laissait faire. Mais il est aussi vrai que les gens intelligents regardent de la télévision stupide. Je me dis que je suis dans ce groupe, bien que ma femme Barbara me jette simplement son regard désespéré quand je le dis. Même Virgil appelle Le Spectacle de l'homme : le sacré tas de merde le plus débile que j'ai jamais vu.

48. The News Hour with Jim Lehrer est un magazine d'information co-produit par Robert MacNeil et Jim Lehrer.

49. My Name is Earl est une série télévisée dont le héros, un petit escroc, cherche à s'amender de ses mauvaises actions passées.

Merde ou pas, ce sont les médias de l'État affairiste, pas la raison ou la rationalité, qui gouvernent toute chose américaine maintenant, particulièrement les élections. À l'évidence la rationalité n'a rien à voir avec la façon dont l'Amérique profonde a voté lors des plus récentes. Ils ont voté selon une projection des médias taillée pour leur démographie. Tout comme les prétendument plus progressistes qui regardent Le Spectacle quotidien. La seule différence c'est la chaîne. Un groupe regarde Stewart ou MacNeil-Lehrer48 et l'autre regarde le stock-car ou Mon nom est Earl49. Hmmmm... Bon, soyons juste, les libéraux de la classe moyenne aiment aussi Earl. Cela les aide à renforcer leurs stéréotypes de classe et leur sentiment de supériorité. Et puis c'est marrant comme tout.

50. Stephen Tyrone Colbert est un comédien et un satiriste démocrate. Son émission The Colbert Report est une parodie des magazines d'information conservateurs.

51. Lesley (ou Leslie) Stahl et Katie Couric sont deux journalistes vedettes de la télévision.

52. Ida Minerva Tarbell fut une pionnière du journalisme d'investigation que les Américains appellent muckraking (le ratissage de la merde). Son livre le plus célébre The History of the Standard Oil Company, paru en 1904, était une enquête sur les pratiques anti-concurentielles de la compagnie pétrolière présidée par John Davison Rockefeller.

53. Edward Roscoe Murrow fut un pionnier du journalisme radiophonique et télévisé, couvrant sur place des événements tels que la crise Tchécoslovaque de 1938, les bombardements de Londres et la libération de Buchenwald. Surtout, il a contribué à ouvrir les yeux du public américain sur l'hystérie MacCarthyste — autant que les maladroites ripostes télévisées de Joseph MacCarthy.

54. Upton Beall Sinclair écrivit de 1898 à 1962 une œuvre romanesque abondante marquée par ses opinions socialistes.

55. L'unitarianisme est un mouvement religieux chrétien libéral qui rejette la doctrine de la sainte trinité au profit d'une foi individuelle et raisonnée.

56. American Idol est une émission de télé-crochet drainant une large audience.

57. Historiquement, un yankee est un soldat nordiste de la guerre de Sécession. Par extension, les Sudistes appellent ainsi tous les Nordistes. En l'occurrence cependant, le terme désigne les Américains en général.

En tout cas, pendant que des gens plus à la mode se racontent comme Le Reportage de Colbert50 était drôle hier soir, et pendant que Virgil regarde Salles de bain rénovées de main de maître sur la chaîne Maison et jardin (ne me demandez pas comment cet homme fonctionne), les journaux d'informations des réseaux dégueulent leur apothéose nécrotique en arrière plan, derrière des momies bien coiffées comme Leslie Stahl ou Katie Couric51, qui, nous dit-on, est une journaliste sérieuse et tenace qui projette d'extrêmes niveaux de gravité par les plein phares de ses yeux tandis qu'elle prononce des phrases comme : Les cloches de l'église ont résonné dimanche dans la ville natale de Nicole Kidman pour annoncer son mariage avec la vedette de la musique country Keith Urban lors d'une cérémonie somptueuse mais intime à laquelle assistaient la famille, des amis proches et quelques vedettes d'Hollywood. Bonsoir et bonne chance. Le fantôme d'Ida Tarbell52 pleure ; Ed Murrow53 et Upton sinclair54 partent dans une vigoureuse pocharderie, basculant sur des canettes vides dans le néant.

Pendant ce temps, mon ami le prêcheur unitarien55 Chutney se lamente à juste titre que : L'Idole Américaine56 est devenue les informations et le génocide et l'espionnage injustifié des citoyens Américains ne sont pas une si grande affaire au fond. Chut, mon cher, il n'y a pas là de mystère. Les Américains en tant que peuple et en tant que nation n'ont rien à fiche du génocide. Particulièrement s'il est pratiqué sur des gens mats et misérables accroupis dans leurs propres excréments et buvant dans les flaques. On peut tourner autour du pot autant qu'on veut, mais l'action c'est l'attraction. La parole peut aller se rhabiller. Et notre inaction hurle au monde, quelque soit le nombre de nos amis de correspondance par l'internet qui partagent notre propre honte personnelle et notre indignation. Heureusement, ou peut-être pas si heureusement, puisque la vérité est rarement plaisante, des gens moins prétentieux comme Virgil disent tout haut ce que les autres ne diront pas : Le monde est en train de tomber à cours de tout. Trop de bouches et de trous du cul. Quelque chose doit lâcher quelque part. La meilleure chose à faire c'est probablement de laisser s'éteindre ou se tuer entre eux tous les peuples dans la boue. Ils n'ont aucun genre de vie de toute façon. Je me sens désolé pour ces bâtards, mais c'est comme ça que sont les choses. Le meilleur de la pensée pragmatique yankee57.

Des gens plus éduqués que Virgil sont parvenus à la même conclusion — que la vie humaine est insoutenable au niveau actuel et qu'il faudrait l'extinction de soixante-dix à quatre-vingt-dix pour cent de l'humanité pour que nous soyons à nouveau supportables, sans parler de dix autres millions d'années pour que la Terre se rétablisse. J'ai entendu cela d'experts renommés, et aussi que les pandémies humaines pourraient bien être la façon qu'a la Terre de se guérir elle-même. Aucun d'entre eux ne le dira jamais publiquement. Le diriez vous ? Le seul qui l'ai fait a été crucifié par la presse, la communauté libérale, les politiciens et sa propre université. Je lui épargnerai davantage de courrier haineux en taisant son nom, bien que de nombreux lecteurs soient déjà au courant de la tempête de merde que sa conférence a soulevé il y a quelques mois. Certains sujets sont absolument tabous, même dans le monde noble et objectif de la science. Ce sont tout simplement des choses qui ne se disent pas. Mais Virgil peut dire toutes les bon Dieu de choses qu'il veut, et il le fait.

L'une des choses moins controversées mais néanmoins vraie que dit Virgil est que la guerre actuelle en Irak était une connerie dès le départ, mais on ne peut pas arrêter les gens quand ils commencent à gratter le gravier et se lancer des cocoricos. Ainsi dit le barde à la Keystone.

58. Le scalp est la peau du dessus du crâne. À l'époque de la conquête du continent nord-américain par les Européens, les Indiens d'Amérique étaient réputés prélever les cheveux et la peau du crâne de leurs ennemis en guise de trophée.

J'ai fait une guerre et je peux te dire que c'est une sacré saloperie, ça oui. Mais les gens vont se battre dans les guerres, c'est dans leur sang. L'homme a une glande de la guerre quelque part en lui, je pense. C'est toujours une chose ou une autre. Autrefois c'était pour l'or et le territoire, les esclaves et les scalps58. Maintenant c'est pour le pétrole. Personnellement, je préfère toujours avoir du pétrole qu'un scalp.

On ne peut pas arrêter la guerre, et peu importe pour qui tu votes. J'ai voté pour Truman et il m'a presque fait casser la pipe. J'ai voté pour Kennedy et il pouvait même pas s'empêcher d'aller se battre contre les pyjamas au Vietnam, et il nous a presque fait bombarder atomiquement à cause de Cuba. J'ai voté pour Bush et regarde ce qu'il a fait. Il nous a fait coincer par ce tas de sauvages à cul nu en Irak. C'est toujours pareil.

59. John Forbes Kerry était le candidat démocrate contre George Bush aux présidentielles de 2004.

Alors pourquoi se donner la peine de prétendre avoir un système à deux partis ? Virgil, s'en reversant un petit dans un gobelet en plastique bleu : Et bien, ça donne aux républicains la possibilité d'être élus de temps en temps. Autrement personne ne voterait pour eux de nos jours, et ils le savent sacrément bien. Mais les gens se fatiguent de ceux comme Bill Clinton et ses coups en douce, et Al Gore, et John Kerry59, et de leur arrogance, alors ils votent républicain principalement parce que les démocrates sont devenus de rusés enfoirés. (D'après Virgil, Lyndon Johnson et Jimmy Carter étaient les seuls démocrates du demi siècle passé qui ne l'étaient pas.) Ensuite, quelques années après, on est tous dans la dèche après que les républicains ont volé le petit gars et tout donné au riche. Alors ils reviennent aux démocrates pour avoir du social ou des allocations chômage ou un genre de secours comme ils en ont eu de Roosevelt et Johnson. Le petit gars doit pouvoir souffler de temps en temps. En avant, en arrière. En avant, en arrière. Quand il s'agit d'analyse politique, Virgil reste simple et précis.

D'accord, alors que penses-tu que les gens veuillent ?

Tu veux vraiment savoir ce que je pense ? Je pense qu'on devrait juste élire un bon Dieu de roi et en finir avec ça. C'est ce que les gens veulent. Quelqu'un qui leur dise exactement quand chier, où chier et de quelle couleur. Un bon roi qui s'occupera de tout, les protégera pour qu'il n'aient plus qu'à regarder la télévision et parier sur les rencontres de basket. C'est ce qu'ils veulent vraiment. La politique c'est juste foutrement trop compliqué pour la plupart des gens.

Nous verrons.

Cul sec ! •